vendredi 24 juillet 2015

L'esprit start-up touche aussi l'agroalimentaire

Viande produite in vitro, fromage ou blanc d’œuf d'origine végétale : l'esprit start-up touche aussi l'agroalimentaire américain, avec le soutien de poids-lourds de la Silicon Valley.

En 2014, au moins 138 millions de dollars d'investissements ont été dirigés vers les start-ups développant des protéines non animales, selon la société de recherche économique AgFunder. Pour sa concurrente CB Insights, les investissements ont atteint 221 millions de dollars en 18 mois. D'autres accords sont en préparation, avec le soutien de stars des hautes technologies comme Google Ventures ou l'investisseur Andreessen Horowitz. Cette nouvelle vague « va faire bouger les lignes » dans l'agroalimentaire, dont les acteurs sont souvent figés dans la tradition, a prédit Ish Datar, directeur de New Harvest. Cette association professionnelle promeut l'agriculture cellulaire, qui cherche à utiliser les cellules souches pour produire des répliques de produits animaux.

Basée à Brooklyn (New York), la start-up Modern Meadow cherche ainsi à développer une viande et des cuirs produits in vitro, avec le soutien des firmes de capital-risque Sequoia Capital et Artis Ventures. « Peut-être que la bio-fabrication est une évolution naturelle de l'industrie pour le genre humain. C'est environnementalement responsable, efficace et humain », puisqu'elle évite l'abattage d'animaux, expliquait récemment Andras Forgacs, président de l'entreprise. En août 2013, Mark Post, un scientifique néerlandais de l'Université de Maastricht avait présenté le premier hamburger créé in vitro, à partir de cellules de vaches. Clara Foods et Muufri, deux start-ups de San Francisco, utilisent aussi des techniques in vitro pour produire respectivement du blanc d’œuf et du lait. « Ces produits sont tout aussi polyvalents que leurs homologues naturels », a affirmé Gilonne d'Origny de New Harvest. Un blanc d’œuf produit de cette manière peut être utilisé pour faire de la meringue », a-t-elle assuré.

Même Bill Gates a investi ans le secteur de l'agriculture cellulaire

Le fondateur de Microsoft, Bill Gates, fait partie des investisseurs dans ce secteur. Il est persuadé de répondre à un vrai défi environnemental. « Comment pouvons-nous produire assez de viande sans détruire la planète ? », s'interrogeait récemment le milliardaire sur son blog. « J'ai investi dans quelques entreprises qui travaillent là-dessus, et je suis impressionné par les résultats obtenus jusqu'à maintenant ». Bill Gates fait partie des bonnes fées veillant sur Hampton Creek Foods, qui fabrique des substituts d’œufs à partir de végétaux, ensuite utilisés pour des mayonnaises et de la pâte à cookies. Il a également investi dans Impossible Foods, qui produit des substituts de viande et de fromage à partir de protéines végétales. Cette utilisation des protéines végétales n'est pas nouvelle, mais l'arrivée des champions de la Silicon Valley peut donner un coup de fouet au secteur.

« Notre mission première est de trouver des solutions pour substituer les protéines végétales aux protéines animales sur les marchés de grande consommation », a affirmé, plein d'ambitions, Brent Taylor, cofondateur de la société californienne Beyond Meat (« au-delà de la viande »). « Le taux de consommation de viande sur des marchés comme celui de la Chine augmente à un tel rythme que la production traditionnelle ne peut pas suivre », a-t-il déclaré. Dans le tour de table de ses investisseurs figure notamment Obvious Ventures -un groupe d'investissement comptant notamment les cofondateurs de Twitter Evan Williams et Biz Stone - et Kleiner Perkins Caulfied and Byers (KPCB), une star du capital-risque technologique en Californie. « Nous avons toute sorte de problèmes liés à la nourriture dans le monde - malnutrition, diabète, et obésité -, pour n'en nommer que quelques-uns », expliquait récemment, Chris Dixon, de la société Andreessen Horowitz, qui a investi notamment dans Soylent, fabricant de substituts de repas en poudre.

« Une partie de la solution à ces problèmes est d'apporter une meilleure recherche scientifique, et un plus grand éventail d'aliments pratiques, abordables et de bonne qualité nutritive », indiquait-il. Reste à savoir si le grand public acceptera ces nouveaux aliments. « Pensez à ce qu'il y a dans un beignet de poulet industriel : les gens les achètent malgré tout », a argumenté Gilonne d'Origny. Mais certains restent sceptiques. « Les gens qui font ces choses ne sont manifestement pas des gastronomes », a ironisé Marion Nestle, spécialiste de l'alimentation à l'Université de New York. « Ils mangent pour vivre, mais ils ne vivent pas pour manger, apparemment. »
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Source : AFP, 4 juillet 2015
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