jeudi 28 mai 2015

Boire « protéiné » au lieu de manger équilibré ?

Boire « protéiné » au lieu de manger équilibré, ce n’est pas réservé aux amateurs de bodybuilding. Dans la Silicon Valley aussi, la pratique se répand. Un nombre croissant d’employés des entreprises du secteur numérique, en particulier les développeurs, ont recours à des boissons à base de protéines, révèle en effet le New York Times. Avec ces poudres, plus besoin de quitter le clavier, le repas est à portée de main et en version liquide.

Des solutions radicales qui font écho aux autres boissons que l’on retrouve dans les milieux des développeurs et hackers. Sans tomber dans le stéréotype du codeur sous-alimenté une main sur le clavier et l’autre sur le thermos, sa canette ou son gobelet, les boissons « énergisantes » sont souvent consommées, soit par plaisir, soit pour stimuler l’activité.

Soylent, Schmoylent, Schmilk...

Le créateur de l’une de ces boissons, le Solyent, est Rob Rhinehart. Ce développeur de logiciels l’a mise au point en 2013 avec pour objectif de simplifier son régime alimentaire avant d’en faire une success story via un financement participatif. Dans un billet publié sur son site personnel intitulé « Comment j’ai arrêté de manger ? », l’inventeur décrit sa démarche :

« Je suis parti de l’hypothèse que le corps n’avait pas besoin de nourriture mais simplement des éléments chimiques qui s’y trouvent. Donc, j’ai décidé de me lancer dans une expérience. Pourquoi je ne consommerais pas les ingrédients dont mon corps a besoin sous forme brute ? »

Brian Merchant, journaliste à Motherboard, a voulu tenter l’expérience en se nourrissant exclusivement de Soylent pendant 30 jours. Au final, pas de réels problèmes de santé mais une carence en vitamine D et 5 kg de perdus.

Mais le Soylent n’est pas le seul sur le marché. Une start-up basée à San Francisco a sorti le Schmoylent en 2014 afin de répondre aux demandes du marché. Autre nom tout aussi étrange, le Schmilk qui se mélange avec du lait. Les mixtures sont disponibles sur Internet avec des prix variant de 50 à 80 dollars pour des doses permettant de tenir la semaine.

Le « Do it Yourself » (DIY) s’en est aussi emparé, avec de multiples créations « maison » suivant les principes du food-hacking. L’idée : chacun peut économiser de l’argent et créer son propre Soylent sur la base de recettes libres et ouvertes à tous.

En France, le phénomène le plus proche est certainement le complément alimentaire pour sportif. [...]
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Source : L'obs Rue 89, 28/05/2015, Club-Mate, kombucha... Des boissons bizarres dans le verre des codeurs. Par Romain Duriez.
http://rue89.nouvelobs.com

mardi 26 mai 2015

Que mangerons-nous demain? Les cinq réponses de l’Exposition universelle

Curry wurst, pad thai ou bagel ? Les 145 pays présents à l’Exposition universelle ont envoyé leurs meilleures spécialités à Milan, mais il ne faudra pas se contenter de ripailler pendant six mois : pour cette Expo 2015, le monde doit se creuser les méninges sur le thème « Nourrir la planète, énergie pour la vie », soit comment alimenter plus de 9 milliards d’humains en 2050 alors qu’aujourd’hui déjà près d’un milliard ne mangent pas à leur faim.

L’équation est d’autant plus complexe que si la démographie est galopante, la taille de la planète reste la même : comment augmenter de 60 % la production alimentaire mondiale d’ici à 2050, sachant que seulement 10 % de la surface du globe est cultivable… et qu’il vaudrait mieux éviter d’accélérer les émissions de gaz à effet de serre, dont un quart est dû à l’agriculture ? 20 Minutes s’est rendu à Milan pour voir où en sont les réflexions.

Solution n°1 : Produire plus, plus, plus
La solution la plus simple serait de produire toujours plus : le Brésil table ainsi sur sa capacité à couvrir 40 % de la demande alimentaire mondiale en 2020 en exploitant les quelque 10 % de son territoire encore disponibles pour l’agriculture et l’élevage. La forêt amazonienne tremble. Peu de pays assument le choix de l’agriculture intensive, notamment à cause de ses impacts sur le climat et des méfaits des engrais chimiques et pesticides sur la santé humaine.

Solution n°2 : Produire autrement
Par exemple, avec les systèmes aquaponiques, qui intéressent beaucoup les pays pauvres en eau. Ces cultures sont un genre de «gagnant-gagnant» agricole et piscicole qui consiste à faire pousser des plantes grâce aux nitrates déféqués par les poissons. Elles seraient jusqu’à six fois plus productives que les cultures au sol et utilisent 90 % d’eau en moins.
Le poisson et les légumes, c’est bien pour les végétariens. Mais les Chinois, eux, c’est de la viande qu’ils veulent : leur consommation est passée de 20 kilos par an et par personne en 1980 à 50 kilos en 2007, a chiffré la FAO. Le problème, c’est qu’avant d’être un steak, un animal ça mange, ça boit, ça pète aussi parfois, et tout ça n’est pas très bon pour l’environnement.

Pourquoi ne pas faire pousser de la viande in-vitro, comme l’a déjà fait un laboratoire néerlandais ? Jean-François Hoquette, directeur de recherches à l’Inra, n’y croit pas. « La viande in-vitro émettrait beaucoup moins de CO2 que l’élevage, selon les premiers bilans carbone qui ont été réalisés, mais les hypothèses qu’ils utilisent sont très discutables. D’autre part, la viande in-vitro ne nourrira pas l’humanité, car si elle se développait, elle serait aux mains de firmes qui la feraient payer cher. »

Solution n°3 : Manger autre chose
Trouvons alors d’autres protéines à manger. Des algues et des insectes, par exemple. Les premières ont la capacité de pousser très rapidement, les seconds de ne pas avoir besoin de grand-chose pour grandir : produire une livre de criquets nécessite 3.000 fois moins d’eau et 10 fois moins de surface que pour le même poids de bœuf. La Belgique se targue d’avoir déjà commencé à commercialiser plusieurs espèces d’insectes, dont le Locusta migratoria (un criquet), le Zophobas astratus (un scarabée) ou le Bombyx mori, le papa du ver à soie.

La Belgique, décidément visionnaire, a aussi une idée originale : mangeons les plantes sauvages. « L’homme mange seulement 200 espèces de plantes, alors que 50.000 sont comestibles », chiffrent les Belges. Une petite salade d’orties, de pissenlits ou de poireau sauvage pour accompagner votre tartare de criquet ?

Solution n°4 : La science, avec ou sans conscience
Nombre de pays mettent en avant les progrès scientifiques qui pourraient ici permettre de désaliniser l’eau de mer pour cultiver en plein désert (au Qatar), ailleurs de développer de nouvelles semences plus productives et moins gourmandes en eau (en Israël) ou de créer de nouvelles variétés de riz hybride (Chine). Mais personne n’ose prononcer le mot « OGM », qui semble tabou à l’Exposition universelle.

Solution n°5 : Un problème ? Quel problème ?
Et si finalement, il n’y avait pas de souci à se faire ? « Ceux qui utilisent les deux chiffres magiques, 2050 et 9 milliards d’humains, sont les groupes agroalimentaires, qui prennent leur revanche après avoir été accusés de tous les maux, et les agriculteurs, qui veulent produire plus et qu’on arrête de les embêter avec l’environnement », n’hésite pas à dire Nicolas Bricas, socio-économiste au Cirad.
Pour beaucoup de chercheurs, les tensions sur l’alimentation mondiale trouveraient plutôt leur solution dans un meilleur partage des ressources, en luttant contre le gaspillage et en se défaisant de la peur que le monde entier veuille consommer trois hamburgers par jour. « Croire que l’alimentation mondiale va s’occidentaliser, c’est croire que l’Occident va continuer à dominer le monde », lance François Attali, directeur marketing d’une grande coopérative laitière française. Un bon sujet pour la prochaine exposition universelle.
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Source : 20 Minutes, Audrey Chauvet, 26.05.2015
http://www.20minutes.fr