lundi 22 août 2016

Les insectes sont le futur de l'alimentation humaine

Près de 10 milliards de personnes devraient peupler la Terre en 2050. Comment nourrir tant individus? Comment assurer en quantité et en qualité l’alimentation d’une population mondiale toujours plus dense? L’évolution de la démographie pose notamment la question de la disponibilité en protéines pour l’alimentation humaine et animale.

Pour l’homme, outre les sources animales (viandes, œufs, poissons) et végétales (légumes secs, céréales) classiquement consommées dans les pays occidentaux, des sources nouvelles comme les algues ou les insectes pourraient représenter des contributeurs intéressants aux apports protéiques des populations. Alors qu’environ 2 milliards d’humains consomment régulièrement des insectes à travers le monde, l’acceptation de ce type d’alimentation pose encore de nombreuses questions dans bien des pays. Pourtant, dans une logique de durabilité des systèmes alimentaires, la production de protéines d’insectes est plus efficiente que la plupart des autres sources animales.

Avec 10 tonnes d’aliments, on peut en effet produire 9 tonnes d’insectes. Cette efficacité n’est que de 1 à 5 tonnes produites pour les bovins, les porcins ou la volaille. La consommation de ressources en eau est également moindre. Les insectes pourraient donc représenter une source alimentaire complémentaire aux aliments actuels.

Plus de 2.000 espèces consommées

Les espèces d’insectes consommées dans le monde sont très nombreuses, plus de 2.000. On les apprécie particulièrement dans les régions chaudes, avec plus de 560 espèces consommées en Asie tropicale, plus de 450 espèces au sud du Sahara et même plus de 700 en Amérique tropicale.

Cependant, les espèces les plus prometteuses pour des élevages restent la mouche soldat, le ver de farine, les grillons et criquets. S’il voit le jour, le développement de cette consommation dans les pays occidentaux devra passer par la mise en place d’unités de production, alors que la consommation traditionnelle reste basée sur une forme de cueillette dans la nature.

Bien qu’interdite, la consommation d’insectes est proposée en France par différents canaux. Des chocolatiers mettent un grillon sur des chocolats, certains restaurants les proposent à leur carte. Toutefois, la réglementation en vigueur sur ce qu’on appelle les novel food nécessite à ce jour des dossiers qui devront être évalués par les autorités sanitaires européennes compétentes. Mais certains États de l’Union européenne, comme la Belgique, autorisent déjà la consommation d’une dizaine d’insectes sous leur forme entière, et non sous forme d’ingrédients.

Nourrir le bétail

La consommation d’insectes pourrait donc, sous réserve des nombreux verrous réglementaires, contribuer aux apports protéiques d’une plus grande fraction de la population mondiale. Sous forme de farine, cela pourrait constituer un ingrédient pour des préparations culinaires diverses et variées, adaptées à des populations spécifiques. Si les avantages sont sans doute environnementaux, les difficultés sont d’abord d’ordre réglementaire.

La gestion de contaminations éventuelle des élevages ou la mise à mort des individus dans le respect du bien-être animal restent par exemple des questions à traiter. Sur un plan sanitaire, le risque allergique est encore mal documenté, alors que les allergies aux crustacés, de lointains cousins des insectes, sont bien décrites. Mais la consommation d’insectes pourrait également être indirecte, c’est-à-dire que des animaux d’élevage comme les volailles et les poissons pourraient être nourris pour partie avec des farines d’insectes.

Un phénomène encore marginal

La consommation d’insectes est traditionnelle dans de nombreux pays dans le monde. La Bible rapporte ainsi la consommation d’orthoptères, insectes aux pattes arrière adaptées au saut. Des chenilles de papillons frites sont consommées en Afrique, des punaises sont consommées de la Chine au Mexique, etc…

Néanmoins, au-delà du rouge de cochenille des fraises «Tagada», la consommation d’insectes dans les pays occidentaux reste aujourd’hui un épiphénomène. Des études récentes montrent une acceptabilité limitée dans les pays européens. La formulation d’aliments intégrant des poudres d’insectes semble plus acceptable que la consommation d’insectes entiers.

Si l’entomophagie reste une pratique classique à travers le monde, sa déclinaison dans les pays occidentaux reste pour l’instant marginale. Des levées de verrous réglementaires et de la pédagogie permettront peut-être de développer ces consommations au sein d’une offre alimentaire encore plus large.
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Source : Jean-Michel Chardigny (Directeur de recherches au département alimentation humaine, INRA), slateafrique.com, 22/08/2016. La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

mercredi 17 août 2016

Une plateforme pour donner le goût des légumes secs

C'est une surface au milieu d'un champ de maïs, au lieu-dit le Gal. Les légumes qui y poussent ne sont pas légion dans le coin : des pois chiches et des lentilles. «La filière légumineuse est en train de prendre de plus en plus d'ampleur, le marché est en forte progression. L'intérêt de cette plateforme c'est de donner envie aux agriculteurs de se lancer et de leur montrer les techniques pour y arriver», explique Christophe Candel responsable technique grandes cultures chez Qualisol. «70 % des besoins en légumes secs restent importés», regrette-t-il. L'objectif : aller vers les protéines végétales plutôt qu'animales. Se démarquer aussi des grandes cultures de blé et de tournesol. En mars dernier, la coopérative agricole a semé deux types de pois chiches (Kabuli et Desi) et des lentilles blondes et vertes sur cette surface test.

S'adapter au climat du Tarn-et-Garonne

Plusieurs enjeux : d'abord, donner aux agriculteurs les bons réflexes. «On a fait des essais, en semant à plusieurs vitesses pour montrer aux agriculteurs que plus on sème lentement moins on perd de graines», précise Christophe Candel. Ensuite, trouver les solutions pour que ces espèces «plutôt méditerranéennes», des variétés habituées aux zones plus arides du sud-est, s'acclimatent au Tarn-et-Garonne. Puis, mettre en place des techniques pour avoir une meilleure récolte comme celle des épis de blé qui servent de tuteur aux lentilles. Enfin, et pas des moindres, diminuer l'utilisation des produits phytosanitaires en ayant recours au désherbage mécanique avec une bineuse. Tout ça pour aller vers l'économie la plus viable possible.

Une production rentable ?

Jean-Luc Crubile est producteur de graines de semence, maïs, tournesol et colza à Angeville. Il y a un an, dans le cadre de l'action menée par Quali sol, il s'est lancé dans une culture conventionnelle de pois chiches, sur 6 hectares. Ce week-end, il fera sa première récolte. «Je me suis dit pourquoi pas essayer de produire ce que l'on consomme plutôt que d'importer. Les débouchés sont là mais le problème c'est que cette culture est tout juste intéressante financièrement. D'après mes estimations je vais produire entre 10 et 12 quintaux de pois chiche cette année. Pour que mon activité soit rentable il faudrait que j'en produise au moins 20 quintaux. Il faut dire que je débute juste et que le printemps n'a pas joué en notre faveur, il a été très humide et ces cultures n'aiment pas les excès d'eau. De plus, il n'y a pas trop d'équipement technique pour la culture des légumineuses, ça complique la tâche. Je suis un peu sceptique mais il ne faut pas enterrer la production avant qu'elle ne naisse.
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Source : Manon Adoue, ladepeche.fr, 17/08/2016

jeudi 11 août 2016

D’après une nouvelle étude américaine, la consommation de protéines végétales est liée à une forte diminution de la mortalité

D’après une nouvelle grande étude américaine publiée dans le JAMA, la consommation de protéines végétales est liée à une forte diminution de la mortalité. Tandis que les protéines animales sont associées à une mortalité plus élevée, surtout chez les personnes ayant un facteur de risque cardiovasculaire. 

De très nombreuses études ont lié consommation de viande, rouge notamment, avec la mortalité,  indépendamment d’autres facteurs de risques (tabagisme, alcool, surpoids, inactivité...). Mais cette étude publiée dans le JAMA est l'une des premières études d'envergure à analyser l'effet spécifique des protéines animales chez les personnes présentant un facteur de risque (1). Et c'est également l'une des premières à analyser l'effet de la substitution des protéines animales par des protéines végétales. 

L'équipe de chercheurs qui l'a menée a combiné les données de deux (très) grandes études d’observations américaines : la Nurses’s Health Study (de 1980 à 2012) et la Health Professionals Follow-up Study (de 1986 à 2012). 
Au total ce sont plus de 130 000 Américains qui ont renseigné leurs habitudes alimentaires pendant 25 à 30 ans.

Résultats : après ajustement sur les facteurs de risques principaux, l’apport total en protéines animales était faiblement lié à la mortalité totale, mais il était plus nettement associé à la mortalité cardiovasculaire. Ce lien était surtout observé chez les personnes possédant au moins un facteur de risque cardiovasculaire : tabagisme, inactivité, surpoids ou encore alcoolisme. 
Pour chaque augmentation de 10% du pourcentage de l’énergie apportée par les protéines animales, le risque augmentait de 8% (dans cette étude, en moyenne, 13% de l’énergie était apportée par les protéines animales). Tandis que les apports en protéines végétales était lié à une mortalité plus basse : -10% de risque pour chaque augmentation de 3% de l’énergie apportée par les protéines végétales. Les auteurs justifient que les protéines végétales auraient de très nombreux bénéfices sur la santé.

Les chercheurs ont réalisé des simulations et ont découvert que remplacer seulement 3% de l’apport en énergie provenant des protéines de charcuterie par des protéines végétales diminuerait le risque de décès de 34% !  De même, remplacer 15 g de protéines d’œufs (2 œufs) par des protéines végétales diminuait le risque de 19%, contre 12% en remplaçant 15 g de viande rouge (80 g d’entrecôte) par des protéines végétales.

Que penser de ces résultats ?

Il s'agit d'une étude d’observation, on ne peut donc pas en déduire un lien de cause à effet. Cependant, cette étude possède l’avantage d’avoir suivi un très grand nombre de participants (130 000) pendant une longue période (25 ans) en plus d'avoir envoyé régulièrement des questionnaires alimentaires, cela limite donc le risque de biais mais diminue également la force des résultats. Les effets “réels” peuvent donc être plus forts en réalité.

Qu’en disent les autres études d’observation ? La plupart ont étudié le lien entre apports en viande et mortalité : certaines études d’observation n’ont pas trouvé de lien entre apports en viande et mortalité (2,3,4) tandis que d’autres ont observé un lien (5). De nombreuses études ont également rapporté un lien entre végétarisme et longévité (6,7) mais pas toutes (8). Les données semblent montrer que des apports faibles (<50 g par jour) en viande ne sont pas nocifs, mais que la consommation de charcuterie, de viande grasse ou de grandes quantité de protéines l'est. Il y a également certains chercheurs qui pensent que cela serait surtout le gras animal qui serait nocif, car chargé en polluants qui s'accumulent dans la chaîne alimentaire. Suivant le type de viande (dinde/bœuf) et le type de morceau (entrecôte/bavette), les teneurs en graisses sont différentes et les effets sur la santé le sont probablement également. Seul problème, la plupart des études, surtout les grandes études, ne vont pas dans ce niveau de détail. La volaille, la viande rouge, et les œufs, sont souvent mis dans le même panier. Les quelques études ayant étudié le type de viande et la mortalité rapporte un effet néfaste de la viande rouge et un effet protecteur ou neutre de la volaille.

Qu’en disent les études d’intervention ? Elles ont montré  dans leur majorité que remplacer les graisses saturées, souvent d’origine animale, par les graisses végétales diminue la mortalité cardiovasculaire (9, 10, 11) mais aussi le risque de cancer (12, 13, 14).

Restriction en protéines et longévité

La restriction calorique augmenterait la longévité. Selon certains chercheurs, cet effet protecteur ne serait pas dû à la restriction calorique en tant que telle mais à la restriction en protéines. En effet, de nombreuses études, réalisées tant chez l’animal que chez l’homme, rapportent que la consommation de protéines, surtout animales, diminuerait la longévité, sauf après 65 ans où l’on observe un effet protecteur des protéines animales (15). Selon les chercheurs, cet effet serait causé par deux acides aminés : la méthionine et le tryptophane, très présents dans les produits animaux, qui sur le long terme stimuleraient la synthèse de l’hormone de croissance, qui elle-même accélérerait le vieillissement et la croissance des tissus, et donc du tissu musculaire mais également du tissu adipeux et des tumeurs.

Une nouvelle étude d'observation à grande échelle et à long terme semble confirmer cette hypothèse (16). En analysant l'évolution de l'obésité dans plus de 170 pays, en plus de l'augmentation de l'inactivité, de l'urbanisation et des apports énergétiques, elle a montré que les apports en protéines animales et en sucres expliqueraient à eux seuls 26% de l'évolution du poids. Selon ces chercheurs, les apports en glucides et lipides sont adéquats mais que ce sont les protéines animales, digérées et métabolisées après les glucides et les lipides, qui sont transformées en graisse par le corps et aboutissent à la prise de poids.
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Source : Pierre Lombard, lanutrition.fr, 11/08/2016