mardi 27 septembre 2016

Perfect Day : la start-up qui invente le lait de vache sans vache

Deux Américains ont mis au point un lait de vache… sans vache ! Leur produit, fait à partir de levures, aurait le même goût et la même texture que le lait classique.

Les laits végétaux ont la cote dans les rayons de nos supermarchés. Que l’on soit vegan, intolérant au lactose ou tout simplement désireux de changer ses habitudes alimentaires pour des questions éthiques, nombreux sont ceux à utiliser ces produits alternatifs au lait de vache. Et il y a l’embarras du choix : lait d’amande, de soja, de riz, d’avoine ou encore lait de sésame. Problème : ces produits ne font pas le bonheur de tous les palais. Bien qu’il apporte presque tous les nutriments nécessaires, un lait végétal n’a pas le même goût qu’un bon lait de vache. Difficile également d’en faire du fromage. Une pizza au fromage végétal, ce n’est pas pareil, il faut bien l’avouer.

Une start-up américaine, baptisée Perfect Day (appelée auparavant Muufri), a donc eu l’idée de créer un lait de vache sans vache, à savoir un lait qui aurait le même goût, le même aspect, la même texture et les mêmes qualités nutritionnelles que le lait traditionnel. Seule différence, il n’est pas issu d’une vache. « Nous essayons de fabriquer un produit doté du meilleur des produits laitiers, mais aussi du meilleur des autres solutions alternatives », explique Perumal Gandhi, le cofondateur de la société, lancée en avril 2014 et basée à San Francisco, au site Co.Exist.

Mais comment font-ils ? Concrètement, leur produit est fabriqué à partir de véritables protéines de lait. Mais ici, elles ne sont pas produites par des vaches mais par de la levure. Les deux scientifiques insèrent de l’ADN de vache dans la levure alimentaire et ajoutent du sucre pour créer des protéines de lait par fermentation, un peu comme le processus de fabrication de la bière. Après la fermentation, ils récoltent les protéines et ajoutent enfin de l’eau, des graisses végétales, des sucres issus de plantes, des vitamines et des minéraux pour créer le produit final.

Sans lactose et écologique

Les deux fondateurs assurent ainsi produire un lait qui a le même goût que celui de vache. Un lait aussi sans lactose, sans gluten, sans hormones et sans OGM. La levure qui crée les protéines de lait est certes modifiée génétiquement mais  « nous faisons ensuite soigneusement purifier nos protéines de lait pour s’assurer qu’elles sont 100% vierges de toute levure avant de les ajouter à nos produits alimentaires », expliquent-ils sur leur site Internet.

Autre atout avancé par la start-up : pour produire leur lait, la consommation d’eau serait diminuée de 98%, l’utilisation de terres agricoles de 91%, et les émissions de gaz à effet de serre seraient réduites de 65% par rapport à la production laitière classique.

Perfect Day envisage de commercialiser ses premières briques ou bouteilles l’année prochaine. Les prototypes auraient obtenu l’aval de la FDA (Food and Drug Administration). Reste à savoir comment leur produit s’appellera car utiliser le terme « lait » s’avérerait quelque peu inexact. Les deux fondateurs souhaiteraient également se lancer dans la fabrication de yaourts, de fromages ou encore de glaces. Merci (ou pas) la science !
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Source : Justine Dupuy, reponse-conso.fr, 26/09/2016

lundi 26 septembre 2016

Manger des insectes peut causer des allergies

L’humanité nourrie en 2050 exclusivement grâce aux insectes? C’est peut-être une utopie: si les insectes sont riches en protéines, ils peuvent être allergisants.

En Chine, en 2008, un touriste français de 37 ans fait un choc anaphylactique après avoir mangé des vers à soie. La revue française d’allergologie rapportait il y a quelques mois de cela plusieurs cas de ce type: un touriste chinois victime d’une anaphylaxie au ver de palmier en Malaisie, des cas d’anaphylaxie au Botsuana, à cause de la consommation de chenille mopane…

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Source : Anne SANDRONT, lavenir.net, 24/09/2016

vendredi 23 septembre 2016

Doit-on arrêter de manger de la viande ?

Directeur du service nutrition de l’Institut Pasteur de Lille, le Dr Jean-Michel Lecerf publie "La viande : un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout ?" Dans cet ouvrage, il veut remettre de la raison au cœur d’un sujet parfois controversé. Entretien.

Qu’avez-vous voulu démontrer avec ce livre ?

J’ai voulu apporter un éclairage global, complexe et scientifique sur un aliment qui suscite passions et controverses. En dédramatisant le sujet et en replaçant la viande au sein de sa culture et de son histoire. Je suis contrarié de voir qu’aujourd’hui l’alimentation est instrumentalisée, alors qu’elle est un fait important qui devrait nous réjouir plutôt que nous fâcher.

Depuis combien de temps la consommation de viande fait-elle l’objet de contestation ?

L’alimentation a toujours fait l’objet de polémiques. La pomme de terre et la tomate ont mis des années à s’implanter dans nos assiettes après leur arrivée d’Amérique ! On criait au feu ! [Il a fallu plusieurs siècles pour que ces deux aliments fassent partie du régime alimentaire de tous les Français, NdlR] Les débats sur la viande datent de plusieurs dizaines d’années. Les raisons sont diverses, le rapport à l’animal en est une. Il est semblable à nous, avec les muscles – à la différence des légumes – et devient donc plus proche de nous, en même temps qu’il devient plus lointain car il n’est plus élevé à nos côtés.

Sommes-nous fondamentalement des mangeurs de viande ?

L’homme est fondamentalement omnivore, c’est-à-dire mangeur de tout ! Ce qui inclut la possibilité de manger de la viande, mais bien d’autres choses. Des populations ont toujours été végétariennes, donc, on peut être plus ou moins carnivore. C’est ce que je défends dans le livre : l’omnivorisme plutôt que la viande. En manger moins, pourquoi pas. Ne plus en manger du tout, pourquoi pas. On peut être en bonne santé en mangeant de la viande comme en mauvaise santé en la supprimant complètement de son alimentation et vice-versa. Mais si on exclut la viande de son alimentation, il faut le faire pour de bonnes raisons, sans être télécommandé par personne. Car la viande est légitime.

Qu’est-ce qu’elle nous apporte ?

D’abord du plaisir, de la culture, de l’histoire, ce qui n’est pas négligeable. Ensuite, bien évidemment, des nutriments : protéines, fer, zinc, acides gras. Ce sont des éléments indispensables pour notre corps, mais qui ne sont pas propres à la viande. Donc, la viande est utile, mais pas indispensable.

Par quoi peut-on la remplacer ?

On peut aller chercher les nutriments ailleurs, des aliments ont les mêmes vertus, mais pas forcément toutes d’un coup. Poissons, œufs, produits laitiers, lentilles apportent quelques-uns de ces nutriments. Mais on trouve plus facilement le fer dans la viande.

On présente parfois la viande comme dangereuse. L’an dernier, une étude mettant en avant la corrélation entre cancer du colon et consommation de viande rouge était à la une des médias…

Il y a des gens qui mangent trop de viande : au-delà de 500 grammes par semaine de viande rouge (bœuf, porc, veau), crue ou cuite, c’est trop. Manger de la viande avec modération, en la modulant avec des légumes, en faisant attention au mode de cuisson, n’est pas dangereux pour la santé. Quant aux études, attention à bien les lire. Sur celle en question, il aurait fallu retranscrire dans les médias : la consommation excessive de viande rouge (supérieure à 100 grammes par jour en poids cuit) ou de charcuterie (supérieure à 50 g par jour) est associée à une petite augmentation (plus de 15 à 20 %) de risque du cancer du côlon.

Donc, la consommation idéale est de…

La recommandation officielle est de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge par semaine. Mais ça peut être moins. À titre personnel, j’en mange une à deux fois par semaine, parfois moins. Mon conseil est de deux fois par semaine. Mais je le répète, il faut raisonner globalement : la viande ne peut pas tout résumer.

Vous évoquez le rôle de la cuisson. Alors, exit le grillé et les bons barbecues d’été ?

Griller, poêler ou rôtir induit la formation d’amines hétérocycliques, ce sont des molécules cancérogènes. Manger du steak grillé deux fois par jour n’est pas bon. On peut encore poêler ou griller mais il ne faut pas que ce soit systématique. Il faut varier et privilégier le bouilli avec du bourguignon, du pot-au-feu, du petit salé, de la langue au court-bouillon, de la blanquette de veau… La cuisson au barbecue apporte encore d’autres molécules cancérogènes. Mais il ne faut pas s’interdire un barbecue une fois par mois l’été, accompagné de légumes. L’alimentation, ce sont aussi des moments de partage et de plaisir.

Vous consacrez un chapitre au bien-être de l’animal…

Il ne faut pas le négliger, on doit être respectueux. Les mauvais traitements sont des exceptions, la plupart des professionnels de l’élevage adorent leurs animaux. Mais manger de la viande est une chose ni choquante ni coupable ni criminelle, si l’on est attentif au bien-être de l’animal – en veillant à ce qu’il ne devienne pas plus important que le nôtre. Nous ne sommes pas un animal comme les autres, mais nous devons faire attention à la nature et notamment ses aspects environnementaux. À ce titre, produire de la viande avec des pâturages plutôt que dans une logique d’élevage intensif relève du bon sens.
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Source : ouest-france.fr, propos recueillis par Nicolas Montard, 22/09/2016

mercredi 21 septembre 2016

Viande in vitro, vade retro ?

Pour la PME israélienne SuperMeat, l’avenir est dans la viande produite à partir de cellules souches. Une piste séduisante mais qui soulève plusieurs questions éthiques.

«Qu’y a-t-il de mieux que d’avoir de la viande en tuant des animaux ? Avoir de la viande sans tuer d’animaux.» Tel est le truisme de SuperMeat, entreprise israélienne qui développe, au stade expérimental, la production de viande artificielle (ou in vitro) de poulet. Le 10 septembre, SuperMeat a recueilli 200 % des fonds espérés de sa campagne de financement participatif, soit plus de 200 000 dollars (180 000 euros) en deux mois. Preuve que le dilemme éthique se pose de plus en plus chez les amateurs de bonne chère. Depuis le 1er janvier, plus de 42,5 milliards d’animaux ont été tués pour leur viande dans le monde. La production de viande de laboratoire permettrait de réduire considérablement ce nombre, ce qui allégerait, en théorie, le poids de nos consciences. La production de viande in vitro remporte d’ailleurs les faveurs d’associations de défense des animaux, comme L214. En 2008, Peta (Pour une éthique dans le traitement des animaux) avait même promis 1 million de dollars aux scientifiques qui développeraient un procédé de production de viande de poulet artificielle d’ici à 2012. En juin, le think tank Sentience politics a publié un document intitulé «Viande in vitro : une alternative éthique à l’élevage industriel». «Cette approche aurait le potentiel d’allier toutes les exigences pour une production humaine de viande, durable et saine», affirment-ils.

Empreinte carbone. Loin d’être nouveau, le concept de viande artificielle est étudié depuis plusieurs années par les scientifiques. Un premier prototype avait été présenté à Londres en août 2013. «Le principe est simple, explique Yaakov Nahmias, professeur à l’université de Jérusalem, cofondateur et directeur de recherches de SuperMeat. On extrait des cellules souches de poulets pour les faire se développer en dehors de l’animal», dans une boîte de Petri. Ce dispositif serait très productif grâce à la multiplication des cellules, mais aussi «beaucoup plus efficace que d’élever l’animal entier, avec un gain considérable d’énergie», considère-t-il.

Face à l’explosion démographique et aux enjeux climatiques, ce procédé, appliqué à grande échelle, serait la solution au manque de ressources alimentaires, à la lourde empreinte carbone de l’élevage, responsable de 18 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, et au respect de l’intégrité des animaux. Ainsi, la viande in vitro débarrasserait de tout ce qui fait que manger de la viande, c’est mal.

Mais pour Jocelyne Porcher, directrice de recherches à l’Inra et auteure de Vivre avec les animaux : une utopie pour le XXIe siècle, le développement de cette viande artificielle est carrément «immoral : une production de morts-vivants». Selon elle, ces travaux représentent le stade ultime de l’industrialisation de l’élevage entamée au XIXe siècle : «Les animaux sont un frein à la production parce qu’ils sont vivants, sensibles, affectifs, communicatifs, ils peuvent tomber malades, résister au travail, créer des attachements avec les travailleurs, explique la chercheuse. Mais pour qu’il y ait de la vie, il faut qu’il y ait de la mort. Avec la production de viande artificielle, on retire à l’animal sa subjectivité, ce processus nous dépossède de nos relations aux animaux.»

Paradoxe. Créer une nature artificielle pose ainsi des questions éthiques, à l’instar du clonage ou des OGM. «Rien à voir ! rétorque pourtant le professeur Nahmias. C’est comme comparer le fait de tuer un animal avec le fait de manger une pomme : dans le processus de clonage, l’animal souffre et meurt parfois.» Quant au rapprochement avec les OGM, le professeur explique que la production de viande in vitro ne touche pas à l’organisme des animaux, et que la cellule extraite n’est jamais modifiée.

Mais si on supprime l’élevage, que vont devenir les animaux ? «Est-ce qu’on va se contenter des cellules d’un seul cochon pour toute la planète ?» se demande Jocelyne Porcher. Une interrogation à laquelle le professeur Yaakov Nahmias apporte une tout autre réponse : «Il y en aura certainement moins, mais les animaux pourront regagner leurs territoires, on retrouvera des renards, des loups et des lapins dans les champs.» Optimiste, voire «irréaliste», pour Jocelyne Porcher.

D’autres scientifiques, comme Jean-François Hocquette, également directeur de recherches à l’Inra, pensent au contraire qu’en matière d’éthique, la viande artificielle peut présenter un avantage par rapport à la viande d’élevage classique, puisqu’elle épargne la vie des animaux. «L’éthique pousse toujours à faire des choix qui impliquent des conflits entre des valeurs différentes, par exemple, bien-être animale versus volonté de nourrir tous les hommes», écrit-il dans son article «La viande in vitro est-elle la solution pour le futur ?» publié en avril 2016 dans la revue Meat Science. Mais pour lui, le succès de la viande artificielle est peu probable. Ce serait une solution utopique et même paradoxale à l’ère du bio, avec des consommateurs toujours plus séduits par les produits naturels, pas vraiment prêts à manger une cuisse de poulet produite en laboratoire. D’autant que son coût est élevé : selon des estimations du In Vitro Meat Consortium, une tonne de viande artificielle pourrait avoisiner 3 000 à 3 500 euros, contre 1 880 euros pour une tonne de viande de poulet. La mise sur le marché à un prix acceptable n’interviendra pas avant les années 2020 ou 2030. Car si la culture de cellules souches «est maîtrisée depuis longtemps», plusieurs obstacles restent à lever. «Pour créer du muscle, on utilise des hormones de synthèse, des antibiotiques, un sérum de veau fœtal dont on ne sait en fait pas grand-chose», détaille Jean-François Hocquette.

Protéines végétales. Autre point dérangeant selon le chercheur, «le marché de la viande in vitro risque d’être récupéré par de grosses entreprises comme Monsanto. Ça pose un problème d’éthique vis-à-vis des agriculteurs». Jean-François Hocquette rappelle également, dans son article, que d’autres solutions peuvent répondre à la multiplication de bouches à nourrir, comme la réduction du gaspillage alimentaire (qui correspond à un tiers de la production alimentaire mondiale), ainsi que la consommation de protéines végétales. «Comme toute innovation, il est difficile de la faire accepter», justifie Yaakov Nahmias, qui maintient que la viande in vitro est éthique, tant pour les animaux que pour son impact global. SuperMeat a même pour ambition de permettre une industrialisation de ses produits à l’échelle locale. «La viande artificielle pourra être fabriquée sur place dans les restaurants, les supermarchés et même dans votre cuisine», s’enthousiasme le chercheur israélien. De la science-fiction ? L’objectif de SuperMeat est de commercialiser sa viande in vitro d’ici juillet 2021.
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Source : Eva Gomez et Natacha Zimmermann, liberation.fr, 20/09/2016

mardi 20 septembre 2016

Viande sans viande : le steak se réincarne

Souffrance animale, pollution… la bidoche a du plomb dans l’aile. Alors, finis les barbecues ? Pas forcément : pour les accros au goût carné, des substituts existent.

Sur le grill, un steak haché et un filet de poulet. On entend le crépitement caractéristique de la viande cuite au barbecue. Glissée entre deux buns, elle est tendre, grillée par endroits. En bouche, on retrouve le goût du bœuf, de la volaille. Et pourtant, ce n’en est pas. Froment, soja, pois… Il s’agit en fait de viande végétarienne, composée de «végétal compressé, parfois mélangé à du blanc d’œuf», explique Philippe Comte, cofondateur de la Boucherie végétarienne. Depuis juin 2015, sous cette enseigne en forme d’oxymore, il propose ces produits avec Isabelle Bensimon, dans le XIIe arrondissement de Paris. Ici, pas de carcasses, pas de poulets qui rôtissent. Deux vitrines de congélation, quelques tables et un comptoir où se préparent burgers et wraps végétariens ou végétaliens. C’est fou, mais on s’y trompe. Visuellement et gustativement. «On arrive à reproduire la texture, mais aussi le goût, détaille Tristan, chef de vente du magasin. Reproduire le goût de la viande, c’est surtout une question d’assaisonnement, on piège notre cerveau. Le sel, par exemple, est très important.» Les préparations qu’ils vendent et cuisinent sont préparées aux Pays-Bas, le royaume de la viande végétale. «Mais nous contrôlons toute la chaîne de production», souligne Philippe Comte. Au menu, des produits issus de l’agriculture biologique et responsable.

Sang à base de racines

Plus d’excuse, donc, pour préférer la vraie viande ? Selon les créateurs de la Boucherie végétarienne, il y aurait «au moins autant» d’apport en protéines dans ces produits que dans la viande animale. «Ce régime peut même convenir à un sportif», assurent-ils. Seul élément manquant, selon eux, la vitamine B12. Jean-François Hocquette, directeur de recherches à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), met toutefois en garde : «Ce qui change, c’est l’apport qualitatif.» Pourtant, Philippe Comte en est sûr, «ce que nous vendons, c’est mieux que de la viande». Quid du prix ? Les 200 grammes de fausse viande hachée coûtent 5,20 euros. Moins cher qu’un vrai steak chez le boucher, mais plus que dans un hyper.

Aux Etats-Unis aussi, on s’emballe pour la viande végétale. Bill Gates et Google se sont bousculés pour financer la start-up Impossible Foods, qui parvient, avec des racines, à produire du «sang» végétal. Résultat, depuis deux mois, les New-Yorkais peuvent goûter une viande de substitution bien saignante. En France, le marché, encore jeune, cible plutôt les personnes «en transition», explique Philippe Comte. «Ceux qui sont végétariens depuis longtemps se sont déshabitués du goût de la viande. Nous nous adressons à ceux qui tendent vers le végétarisme. Cela leur permet de garder leurs habitudes alimentaires.» S’il a ouvert sa boutique, c’est «pour faire découvrir ce produit». Car il faut le voir, et surtout y goûter, pour y croire. Apparemment, ça marche. «Nous avons atteint les 11 000 likes sur notre page Facebook et livrons dans toute la France», poursuit Philippe Comte. Depuis la rentrée, sa «boucherie» fournit aussi les écoles du XIIIe arrondissement qui proposeront des menus contenant de la viande végétale toutes les deux semaines. Et peut-être bientôt Disneyland, avec des hot-dogs végétariens.

Le bureau d’études de marché américain Market and markets lui donne raison en estimant que les ventes mondiales de substituts de viande augmenteront de 6,4 % par an entre 2015 et 2020. Mais «les gens ont beaucoup d’a priori», regrette toutefois Tristan. Séduire les 43,5 % de Français refusant de se passer du goût de la viande reste difficile.

Les Pays-Bas, eux, semblent très en avance. C’est dans ce pays, où 85 % de la population se déclare flexitarienne (réduire au maximum sa consommation de viande et fait attention à sa provenance), que l’enseigne The Vegetarian butcher a pris pied avec 535 points de vente. Depuis, ils servent leurs produits dans plus de 900 boutiques dans le monde, dont 153 en Belgique, 85 en Espagne… mais aucune en France. Un retard qui s’explique, selon Elodie Vieille-Blanchard, présidente de l’Association végétarienne de France, par le «faible pourcentage de végétariens» au pays du steak-frites. Ils sont 3 % selon un sondage pour Terra eco contre 9 % en Allemagne, ou plus de 10 % aux Etats-Unis. La consommation de viande a même augmenté de 1 % dans l’Hexagone en 2015.

Cellules souches

Les scientifiques tentent de trouver le substitut parfait. Partant du principe qu’il n’y aura bientôt plus de viande pour tous et qu’il va falloir consommer responsable, ils se sont penchés sur la production de viande in vitro (lire pages 4-5). La première pièce, créée par le Néerlandais Mark Post, avait été dégustée à Londres en août 2013. Si la prouesse avait été acclamée, le «Frankenburger» était loin de la perfection. «Il ressemblait à un steak haché, raconte Jean-François Hocquette, de l’Inra. Mais on était très loin d’un vrai morceau de bœuf.» Car la viande recréée n’en est pas vraiment une. «Ce sont des cellules musculaires que l’on entasse, alors que le muscle animal est construit, composé de cellules adipeuses, de vaisseaux sanguins, de nerfs.» Et les consommateurs des pays développés ne semblent pas prêts à mettre de la viande synthétique dans leur assiette. Dans une enquête de l’Inra, 50 à 60 % des personnes interrogées affirment qu’elles n’en consommeraient pas.

De toute façon, s’il y a du potentiel, la viande in vitro n’est pas encore au point. Subvenir aux besoins en protéines des 7,5 milliards d’hommes sur Terre reste un débat «complexe», et «créer de la viande artificielle ne va pas résoudre tous les problèmes», souligne Jean-François Hocquette. Alors pour tous ceux qui refusent les conditions d’élevage actuelles, il existe des solutions plus évidentes : consommer moins de viande, plus de protéines végétales, ou encore manger davantage de types d’animaux… comme les insectes.
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Source : Natacha Zimmermann, liberation.fr, 20/09/2016

vendredi 16 septembre 2016

Flying Spark se lance dans le commerce de nourriture à base de poudre de larves de drosophiles

La start-up israélienne Flying Spark se lance dans le commerce de nourriture à base de poudre de larves de drosophiles (mouche). Leur objectif est de nourrir 9 milliards de personnes d’ici 2040. La start-up désire vendre sa poudre alimentaire à base d'insectes aux industriels pour les incorporer dans des produits comme le pain, voire même à la place de poisson ou de viande. Le principal problème de la nourriture à base d’insectes est évidemment l’image que la population peut en avoir. Un challenge à relever pour Flying Spark.
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Source : Dimitri Henault, strategies.com, 16/09/2016
http://www.theflyingspark.com

jeudi 15 septembre 2016

La viande artificielle : fausse bonne idée ou solution miracle?

Depuis quelques années, la rumeur court : la planète ne pourra bientôt plus nourrir les milliards d’êtres humains qui la peuplent et qui consomment, en moyenne, 50 kg de viande par an. Les experts ne sont, évidemment, pas d’accord sur le sujet : certains crient au scandale en expliquant que des pseudo-études sont financées par l’industrie de l’agro-alimentaire pour ainsi pousser ses produits dignes de films de science fiction, tandis que d’autres prouvent par A+B que le futur sera végétarien ou ne sera pas,  alors que d’autres encore expliquent qu’avec une meilleure gestion des ressources naturelles, la terre est bien capable de subvenir à nos besoins.

Le concept d’une planète stérile et donc inapte à produire la nourriture nécessaire n’est pas si nouveau puisqu’en 1973, le film “Le Soleil Vert” décrit déjà un futur (2022, pas si loin que cela tout de même) où les cadavres humains sont recyclés en nourriture (la version officielle du gouvernement est que ces produits sont fabriqués à partir d’algues). La société qui fabrique ces produits « soleil vert » s’appelle dans le film….Soylent…tiens donc, le même nom que la société californienne qui a déjà sorti une boisson et des snacks synthétiques (à base d’algues cultivées, comme le mensonge du film, dont acte !) sensée nous apporter tous les nutriments dont nous avons besoin.

Ayant goûté à la chose et étant une épicurienne invétérée, je peux vous assurer que cette approche ne m’a pas convaincue : goût moyen, texture banale, zéro satisfaction en terme d’appétit car pas de masticage donc faim après 2 heures. Côté nutritionnel, apparemment tout y était, sauf le plaisir de manger et de se titiller les papilles bien évidemment.

Difficile d’accéder à la viande issue de culture cellulaire

Une étape plus loin et c’est la viande artificielle. Le concept même peut paraitre intéressant car après tout, nous bénéficions de la technologie pour cloner des cellules de muscles de boeuf. Et si grâce à notre savoir nous pouvons répliquer un goût, une texture et sauver la planète, qui pourrait s’y opposer? Surtout pas la société Memphis Meat®, basée dans la Silicon Valley comme son nom ne l’indique pas, et qui s’est lancée dans la fabrication de viande à base de cellules multipliées in-vitro. Je les ai contactés pour pouvoir goûter à leurs créations mais sans succès. Malgré mon insistance, ils ne m’ont pas autorisée à visiter leur laboratoire ou à goûter leur viande.

Alors, c’est quoi cette viande artificielle et comment la fabrique-t-on ? La viande in-vitro se fabrique comme les tissus que les laboratoires régénèrent pour les grands brûlés : on prend des cellules du morceau de viande qui nous intéresse et on les fait se reproduire. C’est ce que l’on appelle la culture cellulaire. Vous me direz que le concept n’est pas bien nouveau puisqu’en 1931, Winston Churchill suggérait déjà de fabriquer juste les parties (ailes et cuisses) qui nous intéressaient plutôt que de fournir l’effort de faire grandir tout un poulet pour n’en consommer au final que 50%. Pour le moment, les coûts de fabrication sont très élevés et le processus plutôt long. Le premier hamburger de viande synthétique a été fabriqué par Dr. Post de l’Université de Maastricht et dévoilé en fanfare en 2013 à Londres. Depuis, plusieurs sociétés se sont engouffrées dans le créneau et travaillent aussi sur des versions végétaliennes du burger.

A première vue, le côté nutritionnel reste le même : protéines, graisses, et nutriments divers et variés peuvent être dosés au micron près. Cela ne devrait donc pas poser de problème ni en terme de santé public ni en terme d’acceptation, en tout cas pas pour les générations futures qui auront été nourris avec cette viande in vitro depuis leur plus jeune âge. En terme de goût et de texture, ayant essuyé refus sur refus quant à mes demandes de dégustation, je ne peux me prononcer.

Vers la fin de la souffrance animale ?

Les voix qui risquent de s’élever contre ce produit du futur, sont celles de notre génération, pour qui un steak doit venir du bœuf qui broute sur ses quatre jambes dans un pré, qui gambade, donc se muscle, etc…

Cette approche conviendra aussi à tous les végétaliens qui décident consciemment de ne pas manger de viande pour ne pas avoir à tuer un être vivant. La viande in-vitro devient donc la solution idéale à un problème éthique majeur. Plus de traitement inhumain d’animaux comme nous avons pu le voir dans des documentaires comme Food Inc®. Grâce à la viande synthétique, la souffrance animale ne serait plus qu’un lointain souvenir lorsque ce produit se sera développé de manière massive.

Viande artificielle : des questions à se poser 

D’autres questions, d’ordre religieux, vont se poser : un morceau de veau produit artificiellement reste-t-il du “vrai” veau ? Peut-il être consommé avec un produit laitier et rester casher ? Du “faux” porc est-il hallal ? Etc.

Du côté de la pollution, la viande synthétique gagne haut la main. Chaque kilo de viande de bœuf classique coûtant 15,500 litres d’eau, 330 mètres carrés de terrain, 6kg de grains et 16 kg de dioxyde de carbone, l’industrie “viande artificielle” devrait générer moins de produits polluants (même si à ce jour, il est impossible d’obtenir une information claire sur la pollution de cette filière du future).

Pour autant, aucune étude n’a été menée sur l’impact que la consommation de viande artificielle pourrait avoir sur notre santé. Même si les créateurs de ce produit nous assènent un message de sérieux : “c’est exactement la même viande, donc vous ne courrez aucun risque, etc…”, il est préférable de se poser des questions avant plutôt qu’après (évitons un scandale du type “aspartame”).

Un autre argument avancé par les fabricants est le coût de la viande synthétique, prohibitif à ce jour mais qui, avec les économies d’échelle et l’amélioration des processus, devrait devenir bon marché et permettre à quiconque d’en consommer.

En revanche, la présenter comme une solution à la famine dans le monde est un raccourci que je ne prendrai pas. En effet, il y a à ce jour 1 milliard d’êtres humains sous-nourris, et nous gaspillons en moyenne, 30% de la production alimentaire mondiale, largement de quoi nourrir les affamés. Il suffirait d’une meilleure gestion de ces ressources pour résoudre le problème. Et rien n’indique que nous saurons mieux gérer les stocks de viandes in-vitro que les stocks de pommes de terre qui pourrissent actuellement sur les docks de Dakar ou de Dar Es Salaam.
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Source : Valérie Orsoni, economiematin.fr, 15/09/2016

lundi 12 septembre 2016

SuperMeat : produire de la viande sans tuer d’animal, la révolution polémique

La start-up SuperMeat a pour objectif de vendre du blanc de poulet issu de culture cellulaire. Tout cela est-il bien raisonnable ?

Après le steak imprimé en 3D, c’est au tour du poulet. La start-up SuperMeat a l’intention de commercialiser d’ici cinq ans de la viande de gallinacé cultivée en laboratoire. L’entreprise israélienne vient de clore une campagne de crowdfunding durant laquelle elle a récolté près de 200 000 dollars – elle prévoit une levée de fonds totale qui devrait atteindre deux millions de dollars.

Il faut croire que l’idée séduit  : même l’association de défense des animaux L214 a relayé l’appel aux dons sur sa page Facebook (partagé plus de 11 000 fois). Une vidéo virale qui ressemble à un fake, mais non, ce n’est pas une blague.

Difficile, pour ne pas dire impossible, de ne pas penser à une célèbre scène de « L’Aile ou la cuisse », film de Claude Zidi en 1976 où un poulet était déjà imprimé en 3D.

Le professeur Yaakov Nahmias, cofondateur et directeur de la recherche à SuperMeat, n’a pas le CV d’un plaisantin : directeur du Grass Center for Bioengineering de l’Université hébraïque de Jérusalem, membre affilié du Broad Institute de Harvard et du MIT :
«  Ce n’est pas du clonage, c’est très différent.  »
Le processus n’est pas aussi caricatural que dans « L’Aile ou la cuisse », même si l’idée est là, et il ne s’agit pas d’impression 3D à proprement parler  : des cellules sont prélevées sur un poulet par biopsie, puis cultivées en laboratoire dans des boites de Petri qui reproduisent la physionomie de l’animal. En l’occurrence, il s’agit de poitrine de poulet.
«  Les cellules se reproduisent naturellement. Elles se nourrissent d’acides aminés d’origine végétale et de glucose – le même type de sucre que l’on retrouve dans le plasma.  »
Du blanc de poulet sans tuer de poulet

Hormis les cellules d’origines, SuperMeat assure n’utiliser aucune substance animale, contrairement au steak 3D néerlandais qui avait besoin de sérum fœtal de veau.
«  Nous essayons ensuite de mimer un muscle embryonnaire, car un bébé n’a pas besoin de faire des exercices pour développer sa masse musculaire. Nous ne prenons pas les cellules sur des poussins, mais bien sur des poulets adultes.  »
Comment obtenir un comportement embryonnaire avec des cellules adultes  ? Secret industriel.

Le résultat donne un blanc de poulet identique à celui que nous connaissons actuellement – à la différence près qu’il n’a pas été nécessaire de tuer l’animal. Enfin… donnerait, car aucune dégustation n’a encore eu lieu. La première serait possible dans moins de deux ans, selon l’équipe qui porte le projet SuperMeat.

Le professeur Nahmias assure qu’il n’y aura pas d’hormones de croissance ni de colorants  : «  La viande de poulet est blanche, donc pas besoin de la colorer.  » Pas besoin non plus d’antibiotiques «  puisque les cellules sont cultivées dans un environnement stérilisé  ». Quant aux arômes de synthèse, «  il n’y a pas de raison d’en utiliser pour le moment ».

SuperMeat revendique également le fait de n’avoir besoin que de très peu de ressources par rapport à ce que l’élevage traditionnel nécessite.

Une viande brevetée à la mode OGM ?

C’est justement ce qui agace profondément le Dr Laurent Chevallier, auteur de « Alors on mange quoi  ? » (Fayard, 2016)  :
«  Ce qui est inquiétant, c’est que tout est prêt et personne ne réagit. C’est une fausse bonne idée. Actuellement il y a une grosse offensive dans ce domaine-là. Il y a un aspect “on maîtrise la culture, on n’a plus besoin d’eau, on ne pollue pas”. Mais c’est une déviance pour casser l’agriculture. C’est la fin des agriculteurs. On va avoir des techniques très onéreuses, et c’est sûr qu’à moyen terme, on va y arriver.  »
Il redoute que les brevets appartiennent à de grandes firmes et que le schéma des OGM (organismes génétiquement modifiés), où les agriculteurs sont pris à la gorge par des entreprises de l’agroalimentaire, se reproduise  : «  Il n’y aura plus besoin de négocier avec les producteurs.  »

Le professeur Nahmias regrette la comparaison  : «  Nous ne faisons pas d’OGM. Et nous pouvons créer des usines locales  : du poulet de Champagne, par exemple. Le goût pourrait dépendre du type de nutriments locaux utilisés pour nourrir les cellules.  »

La notion de terroir résistera-t-elle à cette technologie  ? Il est peut-être trop tôt pour le dire.

Sujet à débat

Le Dr Chevallier ne remet pas en cause le produit sur le plan nutritionnel – «  c’est la même chose  » –, mais il s’inquiète des habitudes de consommation que SuperMeat implique  :
«  Sur la viande, il y a des produits utiles pour le tube digestif. Si vous ne mangez que de la nourriture stérilisée, ça peut déséquilibrer la flore intestinale. Le système immunitaire va fonctionner à vide, et il y a un risque probable de maladies auto-immunes.  »
Autrement dit  : nos anticorps aiment la bagarre, mais quand il n’y a plus de bactéries auxquelles chercher des noises, des auto-anticorps apparaissent et ceux-là finissent par taper sur les murs.

Il expose ici un aspect de la théorie hygiéniste (à ne pas confondre avec l’hygiénisme) selon laquelle une trop faible exposition à des agents infectieux pourrait être à l’origine de l’augmentation des maladies auto-immunes.

Une théorie encore sujette à débat compte tenu des difficultés méthodologiques  ; les modes de détection ayant beaucoup évolué, la comparaison de données sur une longue période n’a pas de sens.

Risques sanitaires ou pas ?

Le professeur Nahmias ne soutient absolument pas cette thèse :
« Quand vous achetez de la viande, il n’est pas censé y avoir des bactéries dessus. L’Escherichia coli pose de graves problèmes  ! »
Réponse du Dr Chevallier  :
«  Il ne faut pas être dépassé par les bactéries, il ne faut pas trouver un staphylocoque doré. Mais l’aliment, ce n’est pas qu’une somme de protéines  !  »
Le Dr Michel Lallement, auteur de « Les clés de l’alimentation santé » et « Les 3 clés de la santé » (Mosaïque Santé et Pocket, 2014), ne voit pas non plus de différence sur le plan nutritionnel :
« Parmi les raisons pour lesquelles la viande devient toxique, citons l’utilisation de farines d’élevage ou d’antibiotiques ; de ces points de vue-là, il y aurait donc même moins de risques. »
Toutefois, il souligne une autre problématique :
« La viande de manière générale n’est pas un aliment indispensable à la santé. Au contraire, il est désormais bien établi que plus on en consomme, plus les risques de maladies cardio-vasculaires ou de cancers augmentent, même avec les viandes blanches. De fait, les végétariens vivent plus vieux que les carnivores ! »
Répondre à la demande

Il s’appuie notamment sur une étude d’août 2016 selon laquelle la substitution de protéines d’origines animales, même de volailles, par des protéines végétales permettrait de réduire le risque de maladies cardio-vasculaires.

Le Dr Nahmias souhaite néanmoins dissocier les viandes blanches des viandes rouges  : «  Il y a très peu de gras et de composants sanguins, éléments responsables de problèmes de santé, dans la viande de poulet. Consommer trop de quoi que ce soit est mauvais. Mais c’est une vision très occidentale.  »

Selon lui, il faut bien répondre à la demande, notamment dans des régions du monde où la viande manque, et certaines habitudes alimentaires ne sont pas près de changer. Cette technologie aurait l’avantage de préserver nos gastronomies  :

«  Pouvez-vous imaginer la France sans le foie gras, la Turquie sans le kebab, Israël sans le schnitzel  ? Je veux que mes enfants puissent profiter de ces cultures.  »

Un végan applaudit

Justement, après la poitrine de poulet, le SuperMeat souhaite s’attaquer au foie gras. Aliment honni des végétariens s’il en est, puisque produit par gavage d’oies ou de canards.

«  Si ça marche, c’est révolutionnaire  », s’enthousiasme le philosophe Martin Gibert, auteur de « Voir son steak comme un animal mort » (Lux, 2015), coordinateur de cours à Sciences Po Paris, et surtout végan parmi les végans.

À la différence du végétarisme, ou du végétalisme, le véganisme est une posture morale qui consiste à ne consommer aucun produit issu de l’exploitation animale, y compris dans le secteur des vêtements ou des divertissements.
«  SuperMeat permet de résoudre le paradoxe de la viande  : la plupart des gens aiment les animaux, mais ils aiment aussi leur steak. Cela crée une dissonance cognitive, on a deux pensées en contradiction.  »
Avec la viande de laboratoire, il n’y a plus de passage par la case abattoir, et «  l’exploitation  » animale serait réduite au prélèvement initial de cellules par biopsie inoffensive. Reste qu’on n’a pas demandé son consentement à la poule. «  Il y a un mini coût moral.  »

Débat philosophique

L’inconvénient, soulève-t-il, est que nous restons dans un certain «  spécisme  ». C’est-à-dire que nous continuons à penser qu’il y a un animal supérieur, l’humain, dont on ne consomme pas la viande.

Le philosophe ne s’opposerait d’ailleurs pas à ce qu’on lui prélève des cellules pour créer «  de la viande Martin Gibert, si le critère de base c’est éviter des souffrances inutiles  ». Sauf que le cannibalisme est très dangereux pour la santé  ; il provoque une maladie similaire à celle de la vache folle. C’est donc hors de question pour le professeur Nahmias.

En tout cas SuperMeat est «  super vegan  », selon Martin Gibert. Et, pour reprendre le titre de son livre, on ne peut plus parler d’animal mort dans notre assiette  : «  Pour parler d’animal, il faut une conscience et une sentience [capacité à ressentir, notamment la souffrance, ndlr]. Or, on n’a plus ici que de la matière organique.  »

Une position que tous les végans ne partagent pas. Certains sont opposés à la consommation de viande quelle qu’elle soit parce qu’ils considèrent que cela revient à manger une chose qui ressemble à de la chair humaine, ou parce qu’ils estiment cela mauvais pour la santé.

D’autres voies pour la viande de synthèse

SuperMeat est le premier à se lancer dans la production de volaille par culture cellulaire, mais nombreux sont ceux qui planchent déjà sur la viande de bœuf. D’autres, comme Beyond Meat ou Patrick O. Brown à Stanford s’immiscent dans une autre voie  : recréer la structure moléculaire de la viande à partir de végétaux.

L’enjeu est colossal, car il est sûr que nous ne pourrons pas continuer à produire comme aujourd’hui. Depuis le 8 août, l’humanité vit à crédit. Une date qui arrive de plus en plus tôt d’année en année. Reste à savoir quelle solution nous adopterons. Le débat est à peine ouvert.
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Source : Rémy Demichelis, rue89.nouvelobs.com, 11/09/2016

vendredi 2 septembre 2016

Invention d'un substitut de crevette

Deux diplômées américaines ont concocté un mélange d'algues, de protéines végétales et de glucides ressemblant à s'y méprendre à la crevette

La crevette est le fruit de mer préféré des américains, avec une consommation d'environ deux kilos par an et par personne. Toutefois, qu'elles soient sauvages ou d'élevage, la consommation de ces crustacés pose plusieurs problèmes environnementaux et éthiques, notamment l'épuisement de la vie sous-marine, l'exploitation des travailleurs et le trafic illégal. En d'autres termes, la crevette est loin d'être un aliment tourné vers le développement durable, et sa consommation importante entraîne de nombreuses dérives.

Une diplômée de l'Université américaine Carnegie Mellon, Michelle Wolf, a trouvé un moyen de lutter contre ce problème en créant un substitut à la crevette à base d'algue rouge, de protéines végétales et de glucides. Le nouveau produit a été produit sous l'égide de New Wave Foods - une entreprise fondée en 2015 par Michelle Wolf, diplômée en sciences des matériaux et  ingénierie et titulaire d'un master en ingénierie biomédicale, et Dominique Barnes, titulaire d'un master en biodiversité marine de l'Institut d'Océanographie Scripps.

La "crevette" créée en laboratoire par l'entreprise ressemble à une vraie crevette tant au niveau de l'aspect (rose), du goût que de la texture à la fois croquante et moelleuse, constatent les testeurs et les premiers clients lors d'une dégustation dans un centre commercial local. Pour obtenir cette ressemblance, l'équipe a étudié la structure moléculaire de la crevette afin de déterminer tout ce qui compose les tissus de l'animal. C'est ainsi que les chercheurs ont découvert que le mélange de protéines végétales, ainsi que les algues que mange la crevette qui contribuent à lui donner sa couleur et sa saveur, se traduit par des caractéristiques et une valeur nutritionnelle similaires au substitut.

Le fait que le produit de New Wave ait le même taux de protéines et aussi peu de matières grasses que la crevette le distingue des autres substituts, selon Barnes. De plus, Wolf cherchait à créer bien plus que des "faux fruits de mer", comme ces imitations de crabe que l'on peut trouver sur le marché.

L'équipe de New Wave est en train de produire une commande du nouveau produit de près de 100 kilos pour Google, qui essaie de réduire la quantité de crevettes dans ses cafétérias, a déclaré Ariel Schwartz, le rédacteur-adjoint pour l'innovation de la publication virtuelle Tech Insider. Le duo continue ses recherches pour développer des crevettes artificielles parfaites et lorsqu'elles auront atteint cet objectif, elles seront proposées sur le marché d'ici six mois à un prix compétitif par rapport aux vraies crevettes et aux autres substituts vegan.


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Source : Monica Simeonova, Eatglobe, 2 septembre 2016. D'après Carnegie Mellon University