jeudi 27 août 2015

Pour une nouvelle transition alimentaire

« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée, surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer et nous refusons de l’admettre. » Ainsi s’exprimait Jacques Chirac à l’occasion du Sommet de la Terre en 2002. Ce cri d’alarme concernant le climat aurait mérité aussi d’être prononcé au sujet de la situation alimentaire. Sommée de produire, l’agriculture souffre et pollue, une trop grande part de l’offre alimentaire est sans valeur nutritionnelle, de nombreuses formes de malnutrition persistent, l’obésité progresse et nous restons étrangement passifs.

A l’occasion de l’ouverture, le 1er mai, de l’Exposition universelle de Milan sur le thème : « Nourrir le monde », mais aussi de la récente autorisation de quelques cultures OGM en Europe, le moment est venu de réfléchir sur la nécessité d’engager une nouvelle transition alimentaire.

En France comme dans bien d’autres pays, nous avons perdu la majorité des agriculteurs qui donnaient une âme aux territoires ruraux et ceux qui restent, assujettis à des charges financières toujours croissantes, sont contraints de s’agrandir et d’industrialiser leur production pour survivre.
Cette folle course au productivisme n’est pas sans effets sur la santé des sols, l’utilisation des intrants, la pollution de l’environnement et l’émission des gaz à effet de serre. La résolution des questions climatiques semble ainsi dépendre du succès de l’agroécologie, dont la mise en œuvre est encore incertaine, faute d’investissement.

Prenant le relais du productivisme agricole, l’industrialisation de l’alimentation a permis de disposer d’une alimentation abondante et peu onéreuse. Mais la malbouffe a aussi envahi les supermarchés. Le déséquilibre nutritionnel de l’offre alimentaire a des conséquences évidentes sur le plan de la santé publique, comme le prouve la montée de l’obésité, des maladies métaboliques et des cancers.

La longévité en bonne santé de la population est ainsi fort médiocre, et les dépenses de santé en constante augmentation. Dans ce paysage alimentaire, ni la santé de l’homme ni celle de la planète ne peuvent être gérées correctement, d’où la nécessité de développer une autre politique alimentaire plus cohérente. Voici les quatre grands chantiers que devrait mettre en œuvre la société pour assurer son avenir alimentaire.

Révolution agricole verte

Le premier serait de concevoir une offre alimentaire adaptée aux besoins nutritionnels de l’homme et à la santé de la planète, à l’instar des traditionnels régimes méditerranéens ou asiatiques qui ont fait leurs preuves. Ces régimes durables sont riches en produits végétaux naturels et assez pauvres en calories d’origine animale. Nous nous en sommes très éloignés. A la suite de l’abandon des habitudes alimentaires traditionnelles, la première transition alimentaire s’est traduite par une consommation excessive de produits animaux et d’aliments transformés par l’industrie.

Rectifions le tir : cessons de nous gaver de produits animaux coûteux à produire et de produits transformés riches en calories vides ; apprenons à consommer des aliments de bonne qualité nutritionnelle. L’industrie agroalimentaire a réussi à nous fournir des aliments sûrs au niveau microbiologique, elle doit maintenant produire des aliments sains sur le plan nutritionnel. Sa responsabilité évidente dans l’épidémie d’obésité pourrait l’inciter à relever un nouveau défi nutritionnel, porteur aussi d’un enjeu économique intéressant.

Le deuxième chantier serait de réussir une révolution agricole réellement verte. La première révolution dite verte ne méritait pas son nom, ignorant la vie microbienne des sols, les considérant comme un support des engrais chimiques, développant des cultures protégées par des pesticides, portant atteinte à la biodiversité naturelle. C’est quasiment tout l’inverse qu’il faut développer, mettre en place une agroécologie très économe en intrants qui augmente la matière organique des sols et développer une agriculture nourricière tournée vers la satisfaction des besoins nutritionnels humains, moins centrée vers les productions animales.

La voie actuelle d’une industrialisation croissante de l’agriculture et de l’élevage est incompatible avec une gestion plus écologique du vivant. Pour cultiver la terre comme un jardin et sauvegarder son potentiel de vie, pour élever des animaux selon les règles d’un contrat domestique élémentaire, pour développer les circuits courts, nous aurions besoin de plus de paysans.

Acquis récents de la nutrition préventive

C’est à la société de mettre un terme à l’exode rural et de donner les moyens à beaucoup plus de jeunes de s’installer, puisque la PAC ne le permet pas. Le développement de fermes ou d’ateliers de transformation tournés vers la vente directe ou les circuits courts devrait être soutenu pour favoriser les emplois agricoles. Faisons-en un enjeu politique majeur !

Le dernier chantier, celui de la santé publique, revêt un caractère majeur. Beaucoup ignorent qu’un même type de nutrition peut être efficace pour la prévention de toutes les pathologies. En facilitant le fonctionnement de l’organisme, une bonne nutrition préventive, surtout si elle est pratiquée à l’échelon d’une vie entière, ralentit le vieillissement avec son cortège de pathologies.

Il est remarquable que des régimes basés sur une grande diversité végétale et très économes en produits animaux puissent avoir l’immense avantage d’être efficaces pour gérer la santé de l’homme, mais aussi celle de la planète, ce qui donne beaucoup de cohérence à leur mise en œuvre. Nous ne sommes qu’au balbutiement d’une gestion intelligente de la santé par l’alimentation, puisque notre premier programme national nutrition santé (PNNS) ne date que de 2001.

Une frange bien trop grande de la population, non seulement ne bénéficie pas des acquis récents de la nutrition préventive, mais est victime des mauvaises pratiques du secteur agroalimentaire et du laxisme des pouvoirs publics. Alors oui, une transition alimentaire réussie pourrait changer la donne. Grâce à une vulgarisation efficace et un bon suivi nutritionnel, les citoyens sauraient comment bien se nourrir et disposeraient d’une offre alimentaire adaptée à leurs besoins. Dans ces conditions, les dépenses de santé seraient réduites et les économies réalisées pourraient servir à mieux se nourrir.

S’ils étaient bien perçus et compris, les enjeux d’une transition alimentaire réussie, à l’instar de la transition énergétique, seraient considérables. Il est difficile d’imaginer l’étendue des bénéfices d’une politique aussi cohérente et globale. Saurons-nous la mettre en place ? Voilà un débat politique de fond qu’il conviendrait enfin d’ouvrir !

Christian Rémésy (Nutritionniste, directeur de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique/INRA)
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Source : Le Monde, 28.04.2015

lundi 17 août 2015

Bientôt des repas de substitution végétariens dans les cantines scolaires ?

Le député Yves Jego (UDI) a annoncé vouloir déposer une proposition de loi afin de « rendre obligatoire dans les cantines scolaires, en alternative aux repas servis, un repas végétarien, sans viande ni poisson ».
Cela permettra aux enfants « qui pour des raisons médicales, pour des raisons éthiques, pour des raisons religieuses ne veulent pas manger de viande parce que ceci parce que cela (...) de ne pas les stigmatiser », a-t-il encore expliqué. « C'est simple, et cela garantit l'apport en protéines », a finalement conclu le parlementaire, qui a lancé une pétition en ligne, pétition qui a déjà recueilli plus de 50 000 signatures en quelques jours.
Certains élus rappellent cependant que la « cantine » doit pouvoir proposer aux enfants des menus variés et équilibrés, notamment en protéines, car c’est son rôle originel de « compenser » d’éventuelles carences lors des repas familiaux.
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Source : lexpress.fr, 14 août 2015